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Ressentir le geste
Le potentiel de la création musicale se trouve en chaque personne. Mon travail en tant qu’artiste et médiatrice est de faire naître ces étincelles chez les gens et d’en cultiver la lueur. Écouter, recevoir et offrir les outils pour qu’elles puissent continuer de briller.
Ma relation avec le son dépeint des parcours sensoriels ornés de textures colorées. C’est en ressentant le son en tant qu’expérience sensible que j’arrive à former des liens. Ce sont ces liens qui sont à la base de mes créations, qui m’ouvrent vers une compréhension grandissante du phénomène sonore et qui me guident vers des outils compositionnels. Les sons ont une empreinte sur le corps. En voulant en comprendre l’origine, j’en suis venue à travailler avec fonofone afin d’en permettre le déploiement. Mon premier contact avec l’outil s’est fait alors que je travaillais sur le développement d’une approche somatique en pédagogie de la création sonore. Cette approche s’est caractérisée par une volonté de démocratiser la création sonore en favorisant une expression libre, propice à l'exploration, à l'interaction et à la créativité, tout en permettant de vivre et de ressentir la musique à travers son corps.
J’intègre la musique sous forme de mouvement. Le son étant en perpétuelle transformation, le recevoir alors que notre corps est également en action nous permet d’avancer à travers le temps et l’espace simultanément. Fonofone a cette liberté d’être à la fois un instrument de musique ainsi qu’un outil de création et de traitement des sons. Cela en fait quelque chose de portatif qui peut être déplacé facilement en plus d’avoir la possibilité de s'intégrer à des contextes de création variés.
Dans la co-création, fonofone devient un outil facilitant la communication. Il offre la possibilité de se synchroniser, établissant ainsi un terrain neutre où chaque personne peut adapter son expertise ou son expérience, favorisant un langage commun propice au partage d'idées. Personnellement, j'utilise fonofone principalement pour accompagner le corps et la voix. La création avec des outils technologiques peut parfois être stagnante pour le corps, c'est pourquoi je tente de rester constamment en mouvement dans ce genre de circonstances, car c’est ainsi que je me sens le plus à l'aise. J'apprécie le fait d’imbriquer fonofone au corps afin de relier l'écran à la réalité et d’explorer la voix ou le mouvement de la même manière que l'on explore le timbre du son.
La connexion
La nature d’une activité de création participative se distingue en fonction de l’attention accordée à la compréhension des outils techniques ou à l’acte de créer en lui-même. Souvent, dans ce contexte, la création sonore numérique m’est apparue comme étant présentée plutôt comme une suite de procédures à effectuer, des logiciels à maîtriser et ainsi de suite : on cherche à démontrer les procédures plutôt que le processus. Bien que celles-ci soient tout autant importantes et nécessaires, j’aspire personnellement à travailler sur l'acte de créer en lui-même. La démocratisation des outils de création dans une application ludique et colorée est ce qui permet à fonofone de se démarquer. Avec cet outil, bien que la prise en main puisse nécessiter une période d'ajustement, on a la possibilité d’entrer dans la création, sans nécessité de devoir acquérir d’abord une grande aisance avec la technologie ; c’est cette démarche qui ouvre vers une compréhension des paramètres techniques et musicaux. Cela permet d’explorer de la manière la plus authentique selon moi : jouer avant de théoriser, laisser libre cours à l'instinct avant de rationaliser.
Utilisé pour favoriser une création dynamique, fonofone s'adapte à des groupes variés, qu'il s'agisse d'enfants, d'adolescents, ou d'adultes ayant des expériences diverses. Afin de faciliter les échanges lors d’ateliers de création, il est important de planifier autant de détails que possible à l'avance et de bien préparer l’application avant chaque rencontre afin que l’outil soit prêt à être manipulé. Plus la structure est claire et adaptée aux besoins de la pratique, plus nous pouvons évoluer dans un cadre précis et porter notre attention vers les personnes avec qui nous travaillons. Cette ouverture vers l’autre est la clé menant à une connexion sincère et sensible, laquelle est la base du lien de confiance essentiel lors de projets de création participative.
L’écoute
La création, c’est naviguer entre les sphères de la réalité et les dimensions de l’imaginaire. La créativité se reflète dans notre façon d’être et s’exprime certes à travers l’art, mais aussi à travers la beauté des fragments qui constituent notre quotidien. Pour illuminer ces lueurs dans un contexte de création participative, il est important d’offrir des outils adaptés permettant à chaque personne de communiquer de façon la plus authentique possible. Parfois, cela s’effectue de façon consciente et parfois à travers l’inconscient. C’est-à-dire qu’il faut avoir assez d’ouverture pour identifier et traduire les intentions créatrices de chaque personne, qu’elles soient exprimées en sensation, en action ou en parole.
Dans tous les cas, les mots ne sont pas l’unique forme de communication que je mets de l’avant dans mon processus de co-création. Je préfère faire des liens entre des états, des comportements, des façons d’être ou tout autre manifestation des individus qui participent, avec moi, à l’élaboration de l'œuvre. C’est plus souvent à travers ces manifestations qui pourraient être considérées comme abstraites que naissent les idées les plus sincères. Alors, on joue. On joue avec l’espace, on dilate le temps, on explore les contrastes, la densité, les couleurs. Il est possible de spatialiser le son en se déplaçant avec son instrument ou de le transformer en utilisant des outils de l’application (transposition, filtre, réverbération) et même de reproduire certains de ces effets avec notre voix. Que ce soit avec la voix, le corps ou avec fonofone, les jeux demeurent les mêmes : l’objectif est de permettre de connecter à divers états et d’en communiquer l’essence.
S'ensuit ensuite une traduction vers un paramètre qui sera présent dans l'œuvre. Un tempérament explosif et un désir de compétition entre les membres d’un même groupe pourra mener à une œuvre ponctuée d’interventions individuelles avant de se rassembler vers une conclusion commune. L’insécurité de tester des nouvelles approches pourra mener à une exploration d’abord en dyades, puis en grand groupe ou d’abord avec la voix, puis avec fonofone et ainsi de suite. Ce sont ces façons d’être ensemble qui guident la forme, les procédés de compositions et le type de matériel utilisé dans chaque création. Ainsi, on écoute le temps, le son devient geste, l’espace s’ouvre ou se referme, les contrastes s’activent, les textures évoluent. Il y a continuité, rupture, densification, raréfaction et contemplation.
Le partage
Chaque nouvelle rencontre est un terrain de jeu à définir. Au début de chaque atelier, que ce soit en contexte scolaire ou communautaire, je me présente en exposant mes intentions et mes propositions, tout en restant ouverte à ce que chaque personne souhaite partager avec moi. Il s’agit d’un apprentissage mutuel.
Concrètement, pour co-créer avec fonofone, il faut d’abord se familiariser avec l’outil. Cette introduction est un moment de connexion en groupe lors duquel on présente l’application sans trop expliquer chaque paramètre en détail. S’ensuit une période d’expérimentation où les individus entament une exploration personnelle en ayant la liberté de se laisser guider vers ce qui les attire, que ce soit approfondir un outil en particulier sur une longue période ou chercher plutôt une compréhension globale de l'ensemble de ceux-ci.
Expliquer le fonctionnement des outils et leurs effets n'est pas toujours nécessaire ; une exploration instinctive suffit souvent. L'objectif est de sensibiliser aux caractéristiques du son et à la façon de s'approprier ces paramètres dans une création. Lors du retour en groupe suite à cette exploration initiale, j’en questionne les membres sur leur ressenti ainsi que sur leurs découvertes ou questionnements. Je rebondis sur chaque expérience concrète afin d’amener des explications plus précises sur certains paramètres ou alors des liens entre un phénomène sonore et un outil en particulier.
Ce qui suivra varie en fonction de l’objectif final de création. S’il s’agit d’une prise en mains ayant pour objectif de faire découvrir fonofone, par exemple, à des professionnel·le·s du milieu de l’éducation ou de la médiation, je propose des défis variés permettant de saisir au mieux l’étendue des possibilités offertes par l’application. Par exemple, nous créons divers gestes musicaux et jeux d’ensemble, nous explorons les traitements ainsi que le montage en direct, nous construisons un paysage sonore, entre autres choses. La même prise en mains avec un groupe de jeunes est assez similaire, car mon approche face à la création demeure la même peu importe avec qui je travaille. C’est davantage au niveau des explications et de l’approfondissement de certains aspects que je vais adapter mes interventions.
Plusieurs types de projets teintent également la direction que peut prendre une séance. Une performance avec manipulation en direct incite davantage de jeux autour du développement d’une écoute du groupe et de soi-même. Une installation sonore propose plutôt des explorations autour des plans, de l’espace et de gestes plus longs. Ensuite, en fonction de ce que proposent les participant·e·s, j’adapte la suite de la création. Lors de rencontres ponctuelles, le temps est assez limité et souvent une brève découverte avec quelques jeux de créations est suffisante. De mon côté, je préfère les projets qui s’échelonnent sur plusieurs rencontres, car cela permet vraiment d’approfondir la création, d’apprendre à connaître les personnes avec qui je travaille et de développer une œuvre unique, ce qui accroît davantage la dynamique de création participative. Dans tous les cas, que ce soit une rencontre ponctuelle ou un projet plus grand, je conclus chaque séance par un moment d’intégration et d’introspection lors duquel je revisite les chemins empruntés et définit plus en profondeur les liens que j’ai mis en place ainsi que les éléments à adapter pour une future itération.
Émanation
Mon processus de création avec fonofone présente des réalisations pouvant être répertoriées en quatre catégories.
Manifestation du processus
Parfois, la véritable essence de mon approche en médiation réside dans le processus lui-même, offrant ainsi des occasions d'apprentissage particulièrement enrichissantes. Lors de rencontres ponctuelles, j’invite régulièrement les participant·e·s à créer des micro-univers sonores : orchestrer en plusieurs strates un son créé de toutes pièces ou alors mettre en scène un environnement sonore imaginaire.
J’utilise également fonofone lors de rencontres exploratoires avec des artistes œuvrant dans une autre discipline et cherchant à s’exprimer à travers le sonore. Cela leur permet d’enregistrer, de transformer et de jouer des sons afin de matérialiser leurs idées. Cette intention se reflète tout autant lorsque je travaille avec des intervenant·e·s, des pédagogues et d’autres professionel·le·s souhaitant intégrer le son dans leurs activités. L'objectif principal est de les soutenir dans l'expression authentique de leur créativité et dans le renforcement de leur confiance en leurs capacités. À titre d’exemple, dans le cadre d’un programme de mentorat pour le Regroupement du conte au Québec, j’ai travaillé avec la conteuse Céline Jantet dans une volonté d’approfondir son travail sonore conté. Nous cherchions à approfondir son habileté à traduire et explorer de façon autonome différentes aspirations tant sur le plan littéraire que sonore. Lors de l’une des séances, nous avons privilégié l’utilisation de fonofone pour lui permettre de rapidement mettre en place des ébauches de créations sonores afin d’accompagner son travail littéraire.
Manifestation sous forme de performance
Les réalisations collectives ont la possibilité d’être mises en valeur à travers des performances. Que ce soit pour interpréter une pièce musicale, pour jouer en temps réel en accompagnant un texte ou d'autres instruments, l'utilisation de fonofone favorise le développement d'une écoute attentive du groupe, ce qui permet de décider stratégiquement où et comment placer nos interventions. Un exemple de ce type de réalisation est le concert Calme Chaos, présenté en collaboration avec le NEM et l’école des Saints-Martyrs-Canadiens qui a permis la création d'œuvres pour fonofone et ensemble instrumental. Chaque pièce amenait les élèves à s’impliquer sur divers aspects de la composition, que ce soit le choix des sons, l’utilisation des outils de transformations en direct, les gestes, les phrasés et même la forme de l'œuvre. Malgré tout, le processus menant à une performance est assez riche en lui-même et toutes les performances ne sont pas nécessairement destinées à être présentées devant un public. Pour moi, l'essentiel réside dans le renforcement du lien avec l'œuvre, la concrétisation d'une idée et l'achèvement d'une étape du processus créatif.
Manifestation dans l’espace
Fonofone me permet également de m’adapter à un environnement spécifique afin d’y intégrer un rapport au monde sonore, tel qu’une salle de classe ou un local dans un centre communautaire. Lors d’une création scénique qui, par exemple, demande d’associer des déplacements dans l’espace à des variations timbrales de textures ou de répondre à des impacts sonores en chorégraphiant des gestes avec des objets, fonofone m’offre une solution polyvalente et pratique pour diriger la mise en scène lors des séances de répétition, indépendamment du lieu où je me trouve. J’ai utilisé cette approche avec Paréidolie, un opéra jeunesse co-créé avec l’artiste Maxime Daigneault ainsi que trois groupes d’élèves de cinquième année de l’école primaire Barclay. Lors des répétitions en classe, fonofone m’a permis de transformer rapidement les idées des enfants en plus de jouer facilement certains « cues » importants du spectacle.
De plus, la possibilité de spatialiser le son en se déplaçant avec une tablette dans les mains enrichit encore davantage l'expérience artistique. Chaque espace visité peut ainsi être transformé en une installation sonore immersive en disposant simplement des tablettes à différents endroits.
Manifestation d’un reflet
Les réalisations issues de cet outil révèlent parfois un aspect de l'exploration vocale que j'apprécie particulièrement introduire lors de mes collaborations avec un groupe, soit l'accompagnement de la création avec la voix. De même, j’invite parfois les groupes à utiliser les mêmes gestes de direction afin de contrôler le son et la voix simultanément. La manipulation directe de certains paramètres de transformation du son dans fonofone (dynamique, hauteur, timbre) devient alors un reflet de l’expression vocale et vice-versa.
De plus, le son trouve aussi son écho dans l'aspect visuel grâce à fonoimage qui permet d’associer des fragments sonores sur des parcelles d’image afin de créer une variété de parcours sensoriels. Dans Entre-deux, une série de trois œuvres médiatiques que j’ai créées avec l’artiste visuelle Karine Blanchette, le public est invité à toucher l'œuvre du bout des doigts afin d’activer un paysage sonore qui évolue en fonction de la partie de l’image touchée. Ainsi, chaque forme, chaque texture, chaque trait déclenche une ambiance différente qui, à son tour, suggère une tout autre interprétation de l’œuvre. Étant donné que je perçois les divers médiums artistiques comme partageant un ressenti sensoriel commun, cette approche qui met en lumière les éléments sonores évocateurs d'une image m'attire particulièrement.
À la lueur de ces manifestations, c’est la créativité qui trouve son essence dans l'exploration sensible et la connexion profonde avec soi-même et avec les autres. En favorisant une approche ludique et intuitive de la création sonore, fonofone se retrouve à être bien plus qu'un simple outil technologique ; il devient vecteur de communication. Chaque séance de création présente une aventure unique, où le son devient geste, l'espace s'ouvre à de nouvelles dimensions et les idées prennent vie. Pour moi, fonofone incarne cette vision d'une création participative et inclusive qui nous permet de contribuer à façonner un univers sonore célébrant la beauté de l'expérience partagée.